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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/268

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Car en la Metempsycose de Pythagoras, et changement d’habilation qu’il imaginoit aux ames, pensons nous que le lyon, dans lequel est l’ame de Cæsar, espouse les passions, qui touchoient Cæsar, ny que ce soit luy ? Si c’estoit encore luy, ceux là auroyent raison, qui combattants cette opinion contre Platon, luy reprochent que le fils se pourroit trouuer à cheuaucher sa mere, reuestue d’vn corps de mule, et semblables absurditez. El pensons nous qu’és mutations qui se font des corps des animaux en autres de mesme espece, les nouueaux venus ne soyent autres que leurs predecesseurs ? Des cendres d’vn phoenix s’engendre, dit-on, vn ver, et puis vn autre phoenix : ce second phoenix, qui peut imaginer, qu’il ne soit autre que le premier ? Les vers qui font nostre soye, on les void comme mourir et assecher, et de ce mesme corps se produire vn papillon, et de là vn autre ver, qu’il seroit ridicule eslimer estre encores le premier. Ce qui a cessé vne fois d’estre, n’est plus :

Nec si maleriam nostram collegerit ætas
Post obitum, rursumque redegerit, vt sita nunc est,
Atque iterum nobis fuerint data lumina vitæ,
Pertineat quidquam tamen ad nos id quoque factum,
Interrupta semel cum sit repetentia nostra.

Et quand lu dis ailleurs Platon, que ce sera la partie spirituelle de I’homme, à qui il touchera de iouyr des recompenses de l’autre vie, tu nous dis chose d’aussi peu d’apparence.

Scilicet auolsus radicibus vt nequit vllam
Dispicere ipse oculus rem seorsum corpore loto.

Car à ce compte ce ne sera plus l’homme, ny nous par consequent, à qui touchera cette iouyssance. Car nous sommes bastis de deux pieces principales essentielles, desquelles la separation, c’est la mort cet ruyne de nostre estre.

Inter enim iacla est vilai pausa, vagèque
Deerrarunt passim motus ab sensibus omnes.

Nous ne disons pas que l’homme souffre, quand les vers luy rongent ses membres, dequoy il viuoit, et que la terre les consomme :

Et nihil hoc ad nos, qui coitu coniugióque
Corporis atque animæ consistimus vniter apti.

D’auantage, sur quel fondement de leur iustice peuuent les Dieux recognoistre et recompenser à l’homme apres sa mort ses actions bonnes et vertueuses : puis que ce sont eux mesmes, qui les ont acheminées et produites en luy ? Et pourquoy s’offencent ils et vengent sur luy les vitieuses, puis qu’ils l’ont eux-miesmes produict en cette condition fautiue, et que d’vn seul, clin de leur volonté, ils le peuuent empescher de faillir ? Epicurus opposeroit-il pas cela à Platon, auec grand’apparence de l’humaine raison, s’il ne se couuroit souuent par cette sentence. Qu’il est impossible d’establir quelque chose de certain, de l’immortelle nature, par la