Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/524

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Faciásne quod olim
Mutatus Polemon ? ponas insignia morbi,
Fasciolas, cubital, focalia, potus vt ille
Dicitur ex collo furtim carpsisse coronas,
Postquam est impransi correptus voce magistri ?

La moins dedeignable condition de gents, me semble estre, celle qui par simplesse tient le dernier rang : et nous offrir vn commerce plus reglé. Les mœurs et les propos des paysans, ie les trouue communement plus ordonnez selon la prescription de la vraye philosophie, que ne sont ceux de noz philosophes. Plus sapit vulgus, quia tantum, quantum opus est, sapit.Les plus notables hommes que i’aye iugé, par les apparences externes, car pour les iuger à ma mode, il les faudroit esclairer de plus pres, c’ont esté, pour le faict de la guerre, et suffisance militaire, le Duc de Guyse, qui mourut à Orleans, et le feu Mareschal Strozzi. Pour gens suffisans, et de vertu non commune, Oliuier, et l’Hospital Chanceliers de France. Il me semble aussi de la poësie qu’elle a eu sa vogue en nostre siecle. Nous auons abondance de bons artisans de ce mestier-là, Aurat, Beze, Buchanan, l’Hospital, Mont-doré, Turnebus. Quant aux François, ie pense qu’ils l’ont montée au plus haut degré où elle sera iamais : et aux parties, en quoy Ronsart et du Bellay excellent, ie ne les treuue gueres esloignez de la perfection ancienne. Adrianus Turnebus sçauoit plus, et sçauoit mieux ce qu’il sçauoit, qu’homme qui fust de son siecle, ny loing au delà. Les vies du Duc d’Albe dernier mort, et de nostre Connestable de Mommorancy, ont esté des vies nobles, et qui ont eu plusieurs rares ressemblances de fortune. Mais la beauté, et la gloire de la mort de cettuy-cy, à la veuë de Paris, et de son Roy ; pour leur seruice contre ses plus proches ; à la teste d’vne armée victorieuse par sa conduitte ; et d’vn coup de main, en si extreme vieillesse, me semble meriter qu’on la loge entre les remerquables euenemens de mon temps. Comme aussi, la constante bonté, douceur de mœurs, et facilité consciencieuse de Monsieur de la Nouë, en vne telle iniustice de parts armées, vraye eschole de trahison, d’inhumanité, et de brigandage, où tousiours il s’est nourry, grand homme de guerre, et tres-experimenté.I’ay pris plaisir à publier en plusieurs lieux, l’esperance que l’ay de Marie de Gournay le lars ma fille d’alliance et certes aymée de moy beaucoup plus que