sur l’Angleterre. — Ce fut aussi une des raisons qui décidèrent notre roi Philippe à envoyer son fils Jean guerroyer outre mer ; il emmenait de la sorte[1] hors du royaume toute cette jeunesse aux passions ardentes, enrôlée sous sa bannière.
Quelques personnes, en ces temps-ci, raisonnent de la même façon ; elles souhaiteraient que ce sentiment chaleureux qui est en nous, trouvât un dérivatif dans une guerre faite à quelqu’un de nos voisins, de peur que ces humeurs viciées qui, pour le moment, nous tracassent, ne continuent, si on ne les fait s’écouler ailleurs, l’état de fièvre qui nous tient et ne finissent par causer la ruine complète de notre pays. Il faut convenir qu’une guerre étrangère est un mal moindre qu’une guerre civile ; mais je ne crois pas que Dieu soit favorable à une entreprise aussi inique que serait de chercher querelle à autrui et de l’offenser, pour notre propre commodité : « Ô puissante Némésis, fais que je ne désire rien à tel point que j’entreprenne de l’avoir au détriment de son légitime possesseur (Catulle). »
La faiblesse de notre condition nous réduit à recourir, dans un bon but, à de mauvais moyens ; les combats de gladiateurs avaient été inventés pour inspirer au peuple romain le mépris de la mort. — Et cependant la faiblesse de notre condition nous pousse souvent à employer des moyens condamnables pour arriver à bien. Lycurgue, le plus vertueux et le plus parfait législateur qui fut jamais, imagina, pour inspirer la tempérance à son peuple, ce moyen si contraire à la justice, de contraindre les Ilotes, leurs esclaves, à s’enivrer, afin que les voyant, sous l’action du vin, perdre et l’esprit et tous sentiments, les Spartiates prissent en horreur de s’adonner à ce vice. — Ceux qui autorisaient que les criminels condamnés à mort fussent, quel que fut le genre de mort que portait la condamnation, disséqués tout vifs par les médecins, pour permettre à ceux-ci de saisir à même l’être vivant, le fonctionnement de nos organes intérieurs, et, par là, arriver à plus de certitude dans la pratique de leur art, étaient encore plus dans leur tort ; car s’il est indispensable de transgresser les lois de l’humanité, il est plus excusable de le faire dans l’intérêt de la santé de l’âme que de celle du corps, ainsi que le faisaient les Romains, quand, pour inspirer au peuple la vaillance et le mépris des dangers et de la mort, ils lui donnaient en spectacle ces furieux combats de gladiateurs et d’escrimeurs à outrance, qui se combattaient, s’écharpaient et s’entretuaient en sa présence : « Autrement quel serait le but de ces combuts impies de gladiateurs, de ces massacres de jeunes gens, de cette volupté se repaissant du sang (Prudence) ? » usage qui dura jusqu’à l’empereur Théodose : « Saisissez, ô prince, une gloire réservée à votre règne, la seule dont il vous reste à grossir l’héritage paternel. Que le sang humain ne soit plus versé dans nos cirques, pour le pluisir du peuple ! Que l’arène se contente du sang des bêtes et que nos regards ne soient plus souillés par la vue de jeux homicides (Prudence). » — Ce devait être vraiment un merveilleux exemple, d’une puissante action sur l’éducation du peuple, que d’a-
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