Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/612

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des parties genitales : il a trois trous par où il rend son eau incessamment, il est barbu, a desir, et recherche l’attouchement des femmes.Ce que nous appellons monstres, ne le sont pas à Dieu, qui voit en l’immensité de son ouurage, l’infinité des formes, qu’il y a comprinses. Et est à croire, que cette figure qui nous estonne, se rapporte et tient, à quelque autre figure de mesme genre, incognu à l’homme. De sa toute sagesse, il ne part rien que bon, et commun, et reglé mais nous n’en voyons pas l’assortiment et la relation. Quod crebrò videt, non miratur, etiam si, cur fiat nescit. Quod antè non vidit, id, si euenerit, ostentum esse censet. Nous appellons contre Nature, ce qui aduient contre la coustume. Rien n’est que selon elle, quel qu’il soit. Que cette raison vniuerselle et naturelle, chasse de nous l’erreur et l’estonnement que la nouuelleté nous apporte.

CHAPITRE XXXI.

De la cholere.


Plvtarqve est admirable par tout mais principalement, où il iuge des actions humaines. On peut voir les belles choses, qu’il dit en la comparaison de Lycurgus, et de Numa, sur le propos de la grande simplesse que ce nous est, d’abandonner les enfans au gouuernement et à la charge de leurs peres. La plus part de noz polices, comme dit Aristote, laissent à chascun, en maniere des Cyclopes, la conduitte de leurs femmes et de leurs enfants, selon leur folle et indiscrete fantasie. Et quasi les seules, Lacedemonienne et Cretense, ont commis aux loix la discipline de l’enfance. Qui ne voit qu’en vn Estat tout despend de son education et nourriture ? et cependant sans aucune discretion, on la laisse à la mercy des parens, tant fols et meschants qu’ils soient.Entre autres choses combien de fois m’a-il prins enuie, passant par nos rues, de dresser vne farce, pour venger des garçonnetz, que ie voyoy escorcher, assommer, et meurtrir à quelque pere ou mere furieux,