Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 2.djvu/659

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de son intimité, l’empereur Auguste entre autres, entendant répéter ce qu’on avait recueilli de ses conversations et de ses discours, reconnaissaient les phrases, et jusqu’aux mots, qui n’étaient pas de lui.

Rapidité de César dans ses mouvements ; aperçu de ses guerres nombreuses en divers pays. — La première fois qu’il sortit de Rome, étant investi d’une charge publique, il arriva en huit jours sur le Rhône ; il voyageait ayant devant lui, sur son char, un ou deux secrétaires qui écrivaient sans cesse sous sa dictée, et derrière lui un serviteur portant ses armes. — Certainement, en ne faisant que traverser simplement le pays, on pourrait à peine le faire avec la rapidité qu’il déploya, lorsque, quittant la Gaule et suivant le mouvement de retraite de Pompée sur Brindes, en dixhuit jours il soumettait l’Italie. Revenant alors de Brindes à Rome, il va de Rome jusqu’aux extrémités les plus reculées de l’Espagne, où il a à surmonter des difficultés extrêmes dans sa guerre contre Afranius et Petreius. Après quoi, il vient assiéger Marseille qui résiste longtemps. De Marseille, il se rend en Macédoine, où il bat l’armée romaine à Pharsale ; puis se jette à la poursuite de Pompée, ce qui le conduit en Egypte qu’il soumet. D’Égypte, il vient en Syrie et dans le Pont, où il combat Pharnace. De là, il passe en Afrique, où il défait Scipion et Juba ; puis, rentrant en Italie qu’il ne fait que traverser, il se porte une seconde fois en Espagne, où il met en déroute les fils de Pompée : « Plus rapide que l’éclair, plus prompt que le tigre auquel on enlève ses petits (Lucain), » « pareil à un énorme rocher qui, miné par la pluie ou détaché par l’action du temps, arraché par les vents, se précipite du haut de la montagne vers la plaine, bondissant sur une pente rapide avec un fracas épouvantable, entraînant avec lui arbres, troupeaux et bergers (Virgile) ».

Il voulait tout voir par lui-même. — Parlant du siège d’Avaricum, il dit qu’il avait coutume de se trouver jour et nuit près des ouvriers qu’il faisait travailler. — Dans toutes ses entreprises de quelque importance, il se livrait lui-même à des reconnaissances préalables ; et jamais il n’engagea son armée sur un terrain, qu’il ne l’eut tout d’abord reconnu. Même, si nous en croyons Suétone, lors de son passage en Angleterre, il fut le premier à constater la profondeur de l’eau là où devait s’effectuer le débarquement.

Il préférait obtenir le succès en négociant plutôt que par la force des armes. — Il disait d’habitude qu’il préférait une victoire obtenue en négociant, que remportée de vive force. Dans la guerre contre Afranius et Petreius, la fortune lui présenta une occasion qui paraissait des plus favorables ; il s’y refusa, espérant, dit-il, qu’en patientant un peu et donnant moins au hasard, il viendrait, quand même, à bout de ses ennemis. — Dans cette même guerre, il fit une chose bien étonnante : ce fut de faire passer une rivière à la nage à toute son armée, sans qu’il y eût nécessité : « Pour voler au combat, le soldat prend cette route par lâ-