Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/166

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qu’vn me dit, que c’est auillir les muses, de s’en seruir seulement de iouet, et de passetemps, il ne sçait pas comme moy, combien vaut le plaisir, le ieu et le passetemps : à peine que ie ne die toute autre fin estre ridicule. Ie vis du iour à la iournee, et parlant en reuerence, ne vis que pour moy : mes desseins se terminent là. l’estudiay ieune pour l’ostentation ; depuis, vn peu pour m’assagir : à cette heure pour’m'esbattre : iamais pour le quest. Vne humeur vaine et despensiere que i’auois, apres cette sorte de meuble : non pour en prouuoir seulement mon besoing, mais de trois pas au dela, pour m’en tapisser et parer : ie l’ay pieça abandonnee. Les liures ont beaucoup de qualitez aggreables à ceux qui les sçauent choisir. Mais aucun bien sans peine. C’est vn plaisir qui n’est pas net et pur, non plus que les autres : il a ses incommoditez, et bien poisantes. L’ame s’y exerce, mais le corps, duquel ie n’ay non plus oublié le soing, demeure ce pendant sans action, s’atterre et s’attriste. Ie ne scache excez plus dommageable pour moy, ny plus à euiter, en cette declinaison d’aage.Voyla mes trois occupations fauories et particulieres. Ie ne parle point de celles que ie doibs au monde par obligation ciuile.


CHAPITRE IIII.

De la Diuersion.


I’ay autresfois esté employé à consoler vne dame vrayement affligee. La plus part de leurs deuils sont artificiels et ceremonieux.

Vberibus semper lacrymis, semperque paratis
In statione sua, atque expectantibus illam
Quo iubeat manare modo.

On y procede mal, quand on s’oppose à cette passion : car l’opposition les pique et les engage plus auant à la tristesse. On exaspere le