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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/196

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illis est, somnium narrare vigilantis est. Les maux du corps s’esclaircissent en augmentant. Nous trouuons que c’est goutte, ce que nous nommions rheume ou foulleure. Les maux de l’ame s’obscurcissent en leurs forces : le plus malade les sent le moins. Voyla pourquoy il les faut souuent remanier au iour, d’vne main impiteuse les ouurir et arracher du creus de nostre poitrine. Comme en matiere de biens faicts, de mesme en matiere de mesfaicts, c’est par fois satisfaction que la seule confession. Est-il quelque laideur au faillir, qui nous dispense de nous en confesser ? le souffre peine à me feindre si que i’euite de prendre les secrets d’autruy en garde, n’ayant pas bien le cœur de desaduouer ma science. Ie puis la taire, mais la nyer, ie ne puis sans effort et desplaisir. Pour estre bien secret, il le faut estre par nature, non par obligation. C’est peu, au seruice des Princes, d’estre secret, si on n’est menteur encore. Celuy qui s’enquestoit à Thales Milesius, s’il deuoit solemnellement nyer d’auoir paillardé, s’il se fust addressé à moy, ie luy eusse respondu, qu’il ne le deuoit pas faire, car le mentir me semble encore pire que la paillardise. Thales luy conseilla tout autrement, et qu’il iurast, pour garentir le plus, par le moins. Toutesfois ce conseil n’estoit pas tant election de vice, que multiplication. Sur quoy disons ce mot en passant, qu’on fait bon marché à vn homme de conscience, quand on luy propose quelque difficulté au contrepoids du vice : mais quand on l’enferme entre deux vices, on le met à vn rude choix. Comme on fit Origene : ou qu’il idolatrast, ou qu’il se souffrist iouyr charnellement, à vn grand vilain Æthiopien qu’on luy presenta. Il subit la premiere condition : et vitieusement, dit-on. Pourtant ne seroient pas sans goust, selon leur erreur, celles qui nous protestent en ce temps, qu’elles aymeroient mieux charger leur conscience de dix hommes, que d’vne messe.Si c’est indiscretion de publier ainsi ses erreurs, il n’y a pas grand danger qu’elle passe en exemple et vsage. Car Ariston disoit, que les vens que les hommes craignent le plus, sont ceux qui les descouurent. Il faut rebrasser ce sot haillon qui cache nos mœurs. Ils enuoyent leur conscience au bordel, et tiennent leur contenance en regle. Iusques aux traistres et assassins, ils espousent les loix de la ceremonie, et attachent là leur deuoir. Si n’estce, ny à l’iniustice de se plaindre de l’inciuilité, ny à la malice de