Aller au contenu

Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d'accointance, et de bien-vueillance, et les Deesses protectrices d'humanité et de iustice, du vice d'ingratitude et de mescognoissance. Je ne suis pas de si long temps cassé de l'estat et suitte de ce Dieu, que ie n'aye la memoire informee de ses forces et valeurs:

Agnosco veteris vestigia flammæ.

Il y a encore quelque demeurant d'emotion et chaleur apres la fiéure.

Nec mihi deficiat calor hic, hyemantibus annis.

Tout asseché que ie suis, et appesanty, ie sens encore quelques tiedes restes de cette ardeur passee.

Qual l'alto Ægeo per che Aquilone o Noto
Cessi, che tutto prima il vuolse et scosse,
Non s'accheta ei perto, ma'l sono et moto,
Ritien dell' onde anco agitate è grosse.

Mais de ce que ie m'y entends, les forces et valeur de ce Dieu, se trouuent plus vifues et plus animees, en la peinture de la poësie, qu'en leur propre essence.

Et versus digitos habet.

Elle represente ie ne sçay quel air, plus amoureux que l'amour mesme. Venus n'est pas si belle toute nüe, et viue, et haletante, comme elle est icy chez Virgile.

Dixerat, et niueis hinc atque hinc Diua lacertis
Cunctantem amplexu molli fouet. Ille repente
Accepil solitam flammam, notusque medullas
Intrauil calor, et labefacta per ossa cucurrit.
Non secus atque olim tonitru cùm rupta corusco
Ignea rima micans percurril lumine nimbos.
..........Ea verba loquutus,
Optatos dedit amplexus, placidumque petiuit
Coniugis infusus gremio per membra soporem.

Ce que i'y trouue à considerer, c'est qu'il la peinct vn peu bien esmeue pour vne Venus maritale. En ce sage marché, les appetits ne se trouuent pas si follastres : ils sont sombres et plus mousses. L'amour hait qu'on se tienne par ailleurs que par luy, et se mesle laschement aux accointances qui sont dressees et entretenues soubs autre titre : comme est le mariage. L'alliance, les moyens, y poisent par raison, autant ou plus, que les graces et la beauté. On ne se marie pas pour soy, quoy qu'on die on se marie autant ou plus, pour sa posterité, pour sa famille. L'vsage et l'interest du mariage touche mostre race, bien loing par delà nous. Pourtant me plaist cette façon, qu'on le conduise plustost par main tierce, que par les propres : et par le sens d'autruy, que par le sien. Tout cecy, combien à l'opposite des conuentions amoureuses? Aussi est-ce vne