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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/208

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honte, ou à sa femme ou à sa maistresse, de qui la desfortune l’affligeroit le plus, à qui il desire plus de grandeur : ces demandes n’ont aucun doubte en vn mariage sain.Ce qu’il s’en voit si peu de bons, est signe de son prix et de sa valeur. À le bien façonner et à le bien prendre, il n’est point de plus belle piece en notre societé. Nous ne nous en pouuons passer, et l’allons auilissant. Il en aduient ce qui se voit aux cages, les oyseaux qui en sont dehors, desesperent d’y entrer ; et d’vn pareil soing en sortir, ceux qui sont au dedans. Socrates, enquis, qui estoit plus commode, prendre, ou ne prendre point de femme Lequel des deux, dit-il, on face, on s’en repentira. C’est vne conuention à laquelle se rapporte bien à point ce qu’on dit, homo homini, ou Deus, ou lupus. Il faut le rencontre de beaucoup de qualitez à le bastir. Il se trouue en ce temps plus commode aux ames simples et populaires, où les delices, la curiosité, et l’oysiueté, ne le troublent pas tant. Les humeurs desbauchees, comme est la mienne, qui hay toute sorte de liaison et d’obligation, n’y sont pas si propres.

Et mihi dulce magis resoluto viuere ollo.

De mon dessein, i’eusse fuy d’espouser la sagesse mesme, si elle m’eust voulu. Mais nous auons beau dire : la coustume et I’vsage de la vie commune, nous emporte. La plus part de mes actions se conduisent par exemple, non par choix. Toutesfois ie ne m’y conuiay pas proprement. On m’y mena, et y fus porté par des occasions estrangeres. Car non seulement les choses incommodes, mais il n’en est aucune si laide et vitieuse et euitable, qui ne puisse deuenir acceptable par quelque condition et accident, tant l’humaine posture est vaine. Et y fus porté, certes plus preparé lors, et plus rebours, que ie ne suis à present, apres l’auoir essayé. Et tout licencieux qu’on me tient, i’ay en verité plus seuerement obserue les loix de mariage, que ie n’auois ny promis ny esperé. Il n’est plus temps de regimber quand on s’est laissé entrauer. Il faut prudemment mesnager sa liberté mais depuis qu’on s’est submis à l’obligation, il s’y faut tenir soubs les loix du debuoir commun, aumoins s’en efforcer. Ceux qui entreprennent ce marché pour s’y