Aller au contenu

Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette Joy fait, que toutes les approches se rendent necessairement substantieles. Et puis que tout leur reuient à mesme compte, elles ont le choix bien aysé. Et ont elles brisé ces cloisons ? Croyez qu’elles font feu : Luxuria ipsis vinculis, sicut fera bestia, irritata, deinde emissa. Il leur faut vn peu lascher les resnes.

Vidi ego nuper equum, contra sua frena tenacem,
Ore reluctanti fulminis ire modo.

On alanguit le desir de la compagnie, en luy donnant quelque liberté. C’est vn bel vsage de nostre nation, qu’aux bonnes maisons, nos enfans soyent receuz, pour y estre nourris et esleuez pages comme en vne escole de noblesse. Et est discourtoisie, dit-on, et iniure, d’en refuser vn Gentil-homme. l’ay apperçeu, car autant de maisons autant de diuers stiles et formes, que les dames qui ont voulu donner aux filles de leur suite, les regles plus austeres, n’y ont pas eu meilleure aduanture. Il y faut de la moderation. Il faut laisser bonne partie de leur conduitte, à leur propre discretion : car ainsi comme ainsi n’y a il discipline qui les sçeut brider de toutes parts. Mais il est bien vray, que celle qui est eschappee bagues sauues, d’vn escolage libre, apporte bien plus de fiance de soy, que celle qui sort saine, d’vne escole seuere et prisonniere.Nos peres dressoient la contenance de leurs filles à la honte et à la crainte (les courages et les desirs tousiours pareils), nous à l’asseurance nous n’y entendons rien. C’est à faire aux Sarmates, qui n’ont loy de coucher auec homme, que de leurs mains elles n’en ayent tué vn autre en guerre. À moy qui n’y ay droit que par les oreilles, suffit, si elles me retiennent pour le conseil, suyuant le priuilege de mon aage. Ie leur conseille done, et à nous aussi, l’abstinence mais si ce siecle en est trop ennemy, aumoins la discretion et la modestie. Car, comme dit le compte d’Aristippus, parlant à des ieunes hommes, qui rougissoient de le veoir entrer chez vne courtisane : Le vice est, de n’en pas sortir, non pas d’y entrer. Qui ne veut exempter sa conscience, qu’elle exempte son nom : si le fons n’en vaut guere, que l’apparence tienne bon.Ie loue la