pressions scandaleuses, c’est la nature qui en a fait choix pour moi. Je ne loue ce mode, pas plus que je ne loue toute manière de faire contraire aux usages reçus ; mais je l’excuse et estime que des circonstances, aussi bien générales que particulières, atténuent l’anathème dont il peut être l’objet. Poursuivons.
Il est injuste d’abuser du pouvoir que les femmes nous donnent sur elles, en nous cédant ; Montaigne n’a rien à se reprocher à cet égard. — D’où peut provenir cette usurpation d’autorité souveraine que vous prenez sur les femmes qui, à leurs propres risques, vous accordent leurs faveurs, « lorsque dans l’obscurité de la nuit, elles vous accueillent furtivement pendant quelques moments (Catulle) » ? Pourquoi vous croyez-vous aussitôt autorisés à vous immiscer dans leurs faits et gestes, à les traiter avec froideur, vous arrogeant les droits d’un mari ? C’est une convention qui vous laisse libres tous deux, que celle qui existe entre vous ; que ne vous considérez-vous lié par elle, comme vous voulez qu’elle les lie à vous ? il n’y a pas de règles qui régissent les choses concédées bénévolement. Ma thèse va, il est vrai, à l’encontre des usages, et cependant, en mon temps, j’en suis passé par là et, en en vérité, dans les marchés de cette sorte, j’ai observé, autant que leur nature le permet, la même conscience que dans tout autre marché et y ai apporté une certaine justice ; je ne leur ai témoigné d’affection que dans la mesure où j’en ressentais pour elles, et leur en ai bien naïvement laissé voir la naissance, l’apogée, la décadence, les accès et les défaillances, car on n’est pas toujours en bonnes dispositions. J’ai tellement évité de me prodiguer en promesses, que je crois avoir tenu plus que je n’avais promis et que je ne devais ; elles m’ont trouvé fidèle jusqu’à favoriser leurs inconstances, je parle d’inconstances avouées et qui parfois ont été multipliées. Je n’ai jamais rompu avec elles tant que je leur ai conservé de l’attachement, si faible qu’il fût ; et quelles que soient les occasions qu’elles m’ont données, je ne me suis jamais séparé d’elles en conservant à leur égard du mépris ou de la haine, considérant que de telles privautés entre elles et moi, même lorsqu’elles dérivent des plus honteux marchés, m’obligent quand même à quelque bienveillance à leur égard. Il m’est arrivé de me mettre parfois en colère et d’avoir des impatiences un peu indiscrètes à propos de leurs ruses, de leurs faux-fuyants et dans les contestations qui se sont élevées entre nous, car, par tempérament, je suis sujet à éprouver de brusques émotions qui, bien que légères et courtes, me font sortir souvent de ma règle de conduite. Lorsqu’elles ont voulu essayer de s’emparer de ma liberté de jugement, je n’ai pas hésité à leur adresser des admonestations paternelles, plutôt mordantes, ne ménageant pas leur point faible. — Si je leur ai donné sujet de se plaindre de moi, c’est plutôt pour les avoir aimées d’une façon qui, auprès de celle dont on use actuellement avec elles, peut être dite sottement consciencieuse ; je leur ai tenu parole sur des choses pour lesquelles elles m’en auraient aisément dispensé ; il en est