des conditions analogues qui les fassent se convenir ; tous les plaisirs d’autre nature que nous éprouvons peuvent se reconnaître par des récompenses de diverses sortes, celui-ci ne se paie qu’en monnaie de même espèce. — Il est certain que dans ces ébats, le plaisir que je cause chatouille plus agréablement mon imagination que[1] celui que je ressens ; or, c’est manquer de générosité que de recevoir un plaisir, alors qu’on n’en rend pas ; c’est d’une âme vile de toujours consentir à devoir et se complaire à demeurer en relations avec qui on est à charge ; et il n’y a pas de beauté, de grâce, de privauté si exquises qu’elles soient, qu’un galant homme puisse désirer à ce prix. Si les femmes ne peuvent plus nous donner du plaisir que par pitié, je préfère beaucoup plus ne pas vivre que de vivre d’aumônes ; je voudrais avoir le droit de leur demander leurs caresses, dans ces mêmes termes que j’ai vu employer en Italie pour quêter : « Faites-moi quelque bien dans votre propre intérêt », ou à la façon de Cyrus exhortant ses soldats : « Qui est en disposition de m’aimer, me suive. » — Adressez-vous, me dira-t-on, à des femmes qui soient dans les mêmes conditions que vous, frappées elles aussi de la déchéance que vous subissez, vous trouverez plus aisément à vous lier ensemble. Oh ! quelle sotte et insipide liaison en résulterait : « Je ne veux pas arracher la barbe à un lion mort (Martial) ! » C’est un reproche que faisait Xénophon à Menon et qu’il condamnait en lui, de rechercher, en amour, des femmes en ayant passé l’âge. J’éprouve plus de volupté à voir simplement un couple formé de beaux jeunes gens bien appariés et s’aimant, voire même à me les représenter en imagination, qu’à être moi-même second dans un duo allant tristement et prêtant à la pitié ; c’est là un goût fantasque que j’abandonne à l’empereur Galba, qui ne recherchait que des femmes d’âge, aux chairs durcies ; ou à ce pauvre malheureux poète, s’écriant en parlant de lui-même : « Plaise aux dieux que, dans mon exil, je puisse te voir telle que je me représente ton image ! Que je puisse embrasser tes cheveux blanchis par le chagrin et presser dans mes bras ton corps amaigri (Ovide) ! » — Au premier rang de la laideur, je place la beauté obtenue à force d’artifices. Émonez, jeune adolescent de Chio, qui, par le soin qu’il avait pris d’enjoliver sa personne, pensait avoir acquis la beauté que lui avait refusée la nature, s’étant présenté au philosophe Arcésilas et lui ayant demandé si un sage pouvait devenir amoureux, s’attira cette réponse : « Mais certainement ! pourvu que ce ne soit pas d’une beauté de mauvais aloi acquise, comme la tienne, à force de sophistications. » La laideur d’une vieillesse avouée est, suivant moi, moins vieille et moins laide que si on cherche à la dissimuler à force de couleurs et d’onguents. — Si je ne craignais qu’on ne me saisisse à la gorge, je dirais que l’amour ne me semble réellement en sa saison naturelle qu’à l’âge voisin de l’enfance, comme aussi du reste la beauté : « lorsque se glissant dans un chœur de jeunes filles, avec ses cheveux flottants et ses traits encore indécis, un jeune homme peut tromper sur son sexe les yeux
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