pour l’interne santé exemplaire assez, à prendre l’instruction à contrepoil. Mais quant à la santé corporelle, personne ne peut fournir d’experience plus vtile que moy : qui la presente pure, nullement corrompue et alteree par art, et par opination. L’experience est proprement sur son fumier au subiect de la medecine, où la raison luy quitte toute la place. Tybere disoit, que quiconque auoit vescu vingt ans, se deuoit respondre des choses qui luy estoient nuisibles ou salutaires, et se sçauoir conduire sans medecine. Et le pouuoit auoir apprins de Socrates : lequel conseillaut à ses disciples soigneusement, et comme vn tres principal estude, l’estude de leur santé, adioustoit, qu’il estoit malaisé, qu’vn homme d’entendement, prenant garde à ses exercices à son boire et à son manger, ne discernast mieux que tout medecin, ce qui luy estoit bon ou mauuais. Si fait la medecine profession d’auoir tousiours l’experience, pour touche de son operation. Ainsi Platon auoit raison de dire, que pour estre vray medecin, il seroit necessaire que celuy qui l’entreprendroit, eust passé par toutes les maladies, qu’il veut guerir, et par tous les accidens et circonstances dequoy il doit iuger. C’est raison qu’ils prennent la verole, s’ils la veulent sçauoir penser. Vrayement ie m’en fierois à celuy là. Car les autres nous guident, comme celuy qui peint les mers, les escueils et les ports, estant assis, sur sa table, et y faict promener le modele d’vn nauire en toute seurté. Iettez-le à l’effect, il ne sçait par où s’y prendre. Ils font telle description de nos maux, que faict vn trompette de ville, qui crie vn cheual ou vn chien perdu, tel poil, telle hauteur, telle oreille mais presentez le luy, il ne le cognoit pas pourtant. Pour Dieu, que la medecine me face vn iour quelque bon et perceptible secours, voir comme ie crieray de bonne foy,
Les arts qui promettent de nous tenir le corps en santé, et l’ame en santé, nous promettent beaucoup : mais aussi n’en est-il point, qui tiennent moins ce qu’elles promettent. Et en nostre temps, ceux qui font profession de ces arts entre nous, en montrent moins les effects que tous autres hommes. On peut dire d’eux, pour le plus, qu’ils vendent les drogues medecinales : mais qu’ils soient medecins, cela ne peut on dire. l’ay assez vescu, pour mettre en comte l’vsage, qui m’a conduict si loing. Pour qui en voudra gouster : i’en ay faict l’essay, son eschançon. En voyci quelques articles, comme la souuenance me les fournira. Ie n’ay point de façon, qui ne soit allee variant selon les accidents. Mais i’enregistre celles, que i’ay plus souuent veu en train : qui ont eu plus de possession en moy iusqu’à cette heure.