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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/652

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fienda me Dios de my. Ie plains estant malade, dequoy ie n’ay quelque desir qui me donne ce contentement de l’assouuir : à peine m’en destourneroit la medecine. Autant en fay-ie sain. Ie ne voy guere plus qu’esperer et vouloir. C’est pitié d’estre alanguy et affoibly, iusques au souhaiter.L’art de medecine, n’est pas si resolue, que nous soyons sans authorité, quoy que nous facions. Elle change selon les climats, et selon les Lunes : selon Fernel et selon l’Escale. Si vostre medecin ne trouue bon, que vous dormez, que vous vsez de vin, ou de telle viande ne vous chaille ie vous en trouucray vn autre qui ne sera pas de son aduis. La diuersité des argu— ments et opinions medicinales, embrasse toute sorte de formes. Ie vis vn miserable malade, creuer et se pasmer d’alteration, pour sc guarir et estre moqué depuis par vn autre medecin condamnant ce conseil comme nuisible. Auoit-il pas bien employé sa peine ? Il est mort freschement de la pierre, vn homme de ce mnestier, qui s’estoit seruy d’extreme abstinence à combattre son mal : ses compagnons disent, qu’au rebours, ce ieusne l’auoit asseché, et luy auoit cuit le sable dans les rongnons.I’ay apperceu qu’aux blesseures, et aux maladies, le parler m’esmeut et me nuit, autant que desordre que ie face. La voix me couste, et me lasse : car ie l’ay haute et efforcée. Si que, quand ie suis venu à entretenir l’oreille des grands, d’affaires de poix, ie les ay mis souuent en soing de moderer ma voix.Ce compte merite de me diuertir. Quelqu’vn, en certaine eschole Grecque, parloit haut comme moy : le maistre des ceremonies luy manda qu’il parlast plus bas : Qu’il m’enuoye, fit-il, le ton auquel il veut que ie parle. L’autre luy repliqua, qu’il prinst son ton des oreilles de celuy à qui il parloit. C’estoit bien dit, pourueu qu’il s’entende : Parlez selon ce que vous auez affaire à vostre auditeur. Car si c’est à dire, suffise vous qu’il vous oye ou, reglez vous par luy : ie ne trouue pas que ce fust raison. Le ton et mouuement de la voix, a quelque expression, et signification de mon sens : c’est à moy à le conduire, pour me representer. Il y a voix pour instruire, voix pour flater, ou pour tancer. Ie veux que ma voix non seulement arriue à luy, mais à l’auanture qu’elle le frappe, et qu’elle le