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CHAPITRE XIX.

ce que vous vous soyez rendu tel devant qui vous n’osiez clocher, et jusqu’à ce que vous ayez honte et respect de vous-mêmes, présentez-vous toujours en l’imagination Caton, Phocion et Aristide[1], en la présence desquels les fous mêmes cacheraient leurs fautes, et établissez-les contrôleurs de toutes vos intentions ; si elles se détraquent, leur révérence vous remettra en train ; ils vous contiendront en cette voie de vous contenter de vous-mêmes, de n’emprunter rien que de vous, d’arrêter et fermir votre âme en certaines et limitées cogitations où elle se puisse plaire, et, ayant compris et entendu les vrais biens desquels on jouit à mesure qu’on les entend, s’en contenter, sans désir de prolongement de vie ni de nom.

Voilà le conseil de la vraie et naïve philosophie, non d’une philosophie ostentatrice et parlière, comme est celle des deux premiers[2].


CHAPITRE XIX.

considération de cicéron.


Encore un trait à la comparaison de ces couples. Il se tire des écrits de Cicéron et de ce Pline, peu retirant à mon avis aux humeurs de son oncle, infinis témoignages de nature outre mesure ambitieuse ; entre autres, qu’ils sollicitent, au su de tout le monde, les historiens de leur

  1. Certes ! le chrétien se propose de plus beaux et plus sûrs modèles.
  2. De Pline le jeune et de Cicéron.