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ESSAIS DE MONTAIGNE

Les lettres de ce temps sont plus en bordures et préfaces qu’en matière. Comme j’aime mieux composer deux lettres que d’en clore et plier une, et résigne toujours cette commission à quelque autre, de même, quand la matière est achevée, je donnerais volontiers à quelqu’un la charge d’y ajouter ces longues harangues, offres et prières que nous logeons sur la fin ; et désire que quelque usage nous en décharge, comme aussi de les inscrire d’une légende de qualités et titres ; pour auxquels ne broncher j’ai maintes fois laissé d’écrire, et notamment à gens de justice et de finance, tant d’innovations d’offices, une si difficile dispensation et ordonnance de divers noms d’honneur, lesquels, étant si chèrement achetés, ne peuvent être échangés ou oubliés sans offense.

Je trouve pareillement de mauvaise grâce d’en charger le front et inscription des livres que nous faisons imprimer.


CHAPITRE XX.

de la vanité des paroles.


Un rhétoricien du temps passé disait que son métier était « de choses petites les faire paraître et trouver grandes. » C’est un cordonnier qui sait faire de grands souliers à un petit pied. On lui eut fait donner le fouet en Sparte, de faire profession d’une art piperesse et mensongère : et crois qu’Archidamus, qui en était roi, n’ouït pas sans étonnement la réponse de Thucydide, auquel il s’enquérait qui était plus fort à la lutte, ou Périclès ou lui : — Cela, fit-il, serait malaisé à vérifier : car, quand