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SUR CETTE ÉDITION.

et de Plutarque : sorti de sa librairie, il redevient enfant du Christianisme. Entendez-le, au reste, expliquer lui-même les contradictions de sa philosophie : « Il faut accommoder mon histoire à l’heure : Je pourrai tantôt changer, non de fortune seulement, mais aussi d’intention. C’est un contrôle de divers et muables accidents et d’imaginations irrésolues, et, quand il y écheoit, contraires ; soit que je sois autre moi-même, sois que je saisisse les sujets par autres circonstances ou considérations : tant y a, que je me contredis bien à l’aventure ; mais la vérité, je ne la contredis point. Mon âme est toujours en apprentissage et en épreuve. » Et ailleurs : « Maintes fois, comme il m’advient de faire volontiers, ayant pris, pour exercice et pour ébat, à maintenir une contraire opinion à la mienne, mon esprit, s’appliquant et tournant de ce côté-là, m’y attache si bien, que je ne trouve plus la raison de mon premier avis et m’en départs. Je m’entraîne quasi où je penche, comment que ce soit, et m’emporte de mon poids. »

Voulez-vous l’expression précise de sa croyance ? écoutez : « Ô Dieu ! quelle obligation n’avons-nous pas à la bénignité de notre souverain créateur, pour avoir déniaisé notre créance et l’avoir logée sur l’éternelle base de sa sainte parole !… Ainsi me suis-je, par la grâce de Dieu, conservé entier, sans agitation et trouble de conscience, aux anciennes créances de notre religion, au travers de tant de sectes et de divisions que notre siècle a produites… Tout au commencement de mes fièvres et maladies qui m’atterrent, entier encore et voisin de la santé, je me réconcilie à Dieu par les derniers offices chrétiens, et m’en trouve plus libre et déchargé, me semblant en avoir d’autant meilleure raison de la maladie. »

Maintenant, aux louanges exagérées des panégyristes de Montaigne, à ceux qui vantent sans réserve sa dangereuse