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ESSAIS DE MONTAIGNE.

conscience retenir de l’autrui, se disposer à y satisfaire par leur testament et après leur décès. Ils ne font rien qui vaille, ni de prendre terme à chose si pressante, ni de vouloir rétablir une injure avec si peu de leur ressentiment et intérêt. Ils doivent du plus leur ; et d’autant qu’ils paient plus pesamment et incommodément, d’autant en est leur satisfaction plus juste et méritoire : la pénitence demande à charger. Ceux-là font encore pis, qui réservent la déclaration de quelque haineuse volonté envers le proche, à leur dernière volonté, l’ayant cachée pendant la vie ; et montrent avoir peu de soin du propre honneur, irritant l’offensé à l’encontre de leur mémoire ; et moins de leur conscience, n’ayant, pour le respect de la mort même, su faire mourir leur maltalent, et en étendant la vie outre la leur. Iniques juges, qui remettent à juger alors qu’ils n’ont plus connaissance de cause. Je me garderai, si je puis, que ma mort dise chose que ma vie n’ait premièrement dite, et apertement.


CHAPITRE VII.

des menteurs.


Il n’est homme à qui il sièse si mal de se mêler de parler de mémoire, car je n’en reconnais quasi trace en moi, et ne pense qu’il y en ait au monde une autre si merveilleuse en défaillance. J’ai toutes mes autres parties viles et communes ; mais, en celle-là, je pense être singulier et très-rare, et digne de gagner nom et répu-