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Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/65

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CHAPITRE XI.

cette obéissance si contrainte n’appartient qu’aux commandements précis et préfix. Les ambassadeurs ont une charge plus libre, qui en plusieurs parties dépend souverainement de leur disposition ; ils n’exécutent pas simplement, mais forment aussi et dressent par leur conseil la volonté du maître. J’ai vu, en mon temps, des personnes de commandement repris d’avoir plutôt obéi aux paroles des lettres du Roi, qu’à l’occasion des affaires qui étaient près d’eux. Les hommes d’entendement accusent encore aujourd’hui l’usage des rois de Perse, de tailleries morceaux si courts à leursagents et lieutenants, qu’aux moindres choses ils eussent à recourir à leur ordonnance, ce délai, en une si longue étendue de domination, ayant souvent apporté des notables dommages à leurs affaires. Et Crassus, écrivant à un homme du métier, et lui donnant avis de l’usage auquel il destinait ce mât, semblait-il pas entrer en conférence de sa délibération et le convier à interposer son décret ?


CHAPITRE XI.

de la peur.


Je ne suis pas bon naturaliste (qu’ils disent), et ne sais guère par quels ressorts la peur agit en nous ; mais tant il y a que c’est une étrange passion : et disent les médecins qu’ils n’en est aucune qui emporte plutôt notre jugement hors de sa due assiette. De vrai, j’ai vu beaucoup de gens devenus insensés de peur ; et, au plus rassis, il est certain, pendant que son accès dure, qu’elle