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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

la peine de prendre des forts qui n’auroient pas résisté. »

L’orateur termina la séance en présentant six branches de porcelaine qu’ils mesurèrent de même grandeur, et en disant : « Mon père, nous te remercions d’avoir essuyé nos larmes, etc… Quoique le maître de la vie t’ait favorisé et que tu aies perdu peu de guerriers, le moindre d’entre eux t’est cher, et tu ne peux qu’en être affligé. Aussi nous te présentons ces branches pour essuyer tes larmes, te déboucher le gosier pour que tu puisses nous parler et t’ouvrir les oreilles pour que tu puisses entendre tes enfants, qui comptent que tu les traiteras comme défunt ton père dont ils te rapportent les colliers pour mieux lier les paroles ».

Un Européen sera bien surpris de voir que des colliers et des branches de porcelaine soient le mobile de toutes les actions chez les sauvages. Un philosophe trouvera que tous les hommes sont les mêmes, lorsqu’il saura que ces branches et ces colliers de porcelaine sont des diamants et des bijoux dont se parent les sauvages et leurs femmes, et qu’ils ont une valeur intrinsèque, avec laquelle le sauvage trouve à acheter tous les besoins qu’ils ne connoissoient pas, et auxquels notre commerce les a malheureusement accoutumés.

Cette porcelaine dont on parle tant, sont des petits grains qui ressemblent à ceux de Nevers, mais qui sont plus beaux et ont plus de consistance. Cela valoit autrefois trente livres le millier, et quarante livres aujourd’hui, à cause de la guerre. On la tire d’Angleterre. Tous les colliers et branches que les sauvages présentent au général ou à ceux qui commandent dans