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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

avons sondé sur les cinq heures, et avons trouvé fond par les quarante-cinq brasses ; comme il y a eu calme nous nous sommes amusés à la pêche ; mais elle n’a pas été abondante. Il faut convenir que c’est un excellent manger que de la morue fraîche ; et ce qu’il y a de meilleur n’est pas connu en Europe, la tête, la langue et le foie, qui font une sauce naturelle et exquise à la morue comme celui du rouget. Le P. Charlevoix et les autres voyageurs n’ont rien dit d’outré en annonçant l’excellence de ce manger, il faudroit trop de sel pour conserver des morceaux aussi délicats. Les plus grandes morues n’ont pas trois pieds, une gueule des plus grandes, c’est un animal très vorace, et qui avale tout jusqu’à des morceaux de fer. Nous pêchâmes des rayes. Pour l’ordinaire ces parages sont couverts de petits bateaux de pêcheurs. Nous n’en voyons cependant pas ; la guerre empêche les François de venir, les Anglois se tiennent le long de leurs côtes, et il est peut-être de trop bonne heure pour cette pêche qui ne commence pour l’ordinaire que dans les premiers jours de mai.

Du 29 avril 1756. — Le vent ayant repris sur le minuit, nous avons fait servir nos voiles, et nous continuons notre route en faisant cinq nœuds par heure, c’est la façon de compter quand on mesure le sillage du vaisseau avec le loch. Les trois nœuds font la lieue. Nous avons eu aujourd’hui la cérémonie de baptême ; c’est une coutume établie parmi les matelots et qui tend toujours à tirer quelque argent des passagers ; cette cérémonie s’observe au passage du tropique, à celui du détroit et quand on passe sous la ligne ; ce dernier baptême étant regardé comme le plus considé-