Page:Montcalm - Journal du marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

moitié depuis quelques années, que les dames préfèrent leur aisance à la conservation de la belle taille, et ont abandonné l’usage des grands paniers[1].

On tire beaucoup d’huile de la baleine, et cette opération se fait dans le vaisseau même, où ils ont avec beaucoup d’industrie pratiqué des fourneaux sans accident. On croit voir une forge ardente au milieu de la mer. Il n’ya que la langue qu’ils n’ont jamais osé faire fondre sur leur vaisseau, crainte qu’elle ne s’attachât trop au fourneau, ils les abandonnoient autrefois avec les carcasses aux habitants de Kamouraska ; mais comme dans une année ils en tirèrent vingt-sept barriques d’huile, qui vaut communément de cent livres à cent vingt livres la barrique, ils se sont ravisés de cette générosité, et ont fait construire un fourneau à terre pour cette dernière opération. Le succès de cette pêche dépend de la quantité et qualité des baleines ; car il y en a telles dont on ne tire pas plus de douze barriques d’huile, et d’autres cent cinquante. En général ce commerce est très bon ; tout le monde sait aujourd’hui que le blanc de baleine, appelé en latin sperma cete, n’est point ce que les anciens croyoient, mais bien la moelle de l’épine du dos ou du cervelet.

Nous avons dépassé les trois vaisseaux qui étoient hier à l’avant de nous ; ce sont trois gros vaisseaux marchands partis de la Rochelle il y a trente-quatre jours. Ils ont été frétés pour le compte du Roi par le

  1. On en payoit la livre en France 5 livres, et elle ne vaut à présent que 2 livres dix sols.