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HISTOIRE DU CÉLÈBRE PÉPÉ

verre en main, ne songeant qu’à plaisanter. Ils devinrent un peu pâles, graves.

Pépé sentit qu’une émotion qu’il ne connaissait pas encore s’emparait de ses camarades et de lui.

Il écouta la fin du couplet chanté en chœur par des voix devenues profondes et frémissantes :

Tremblez, ennemis de la France…

Il sentait un courant étrange parcourir les veines de son corps, son cœur se gonfler et battre plus ardemment, ses yeux s’attacher à une vision de guerre, de bataille et de victoire ; ses oreilles avaient l’hallucination du canon et son nez l’hallucination de la poudre. Secoué dans son être entier, il se mit à chanter avec les dragons, plein d’élan, et il entrevit pour la première fois ce que c’était véritablement que le métier de soldat.

Le métier de soldat, ce n’était pas l’assujettissement à la vie de caserne, plusieurs années d’existence bête passée dans une oisiveté relative, entre des corvées et des exercices de corps ; le métier de soldat, c’était la guerre, c’était le regain de la sauvagerie de l’homme, l’instinct du sang, mais aussi l’instinct de la conservation et de la sauvegarde ; le métier de soldat, c’était la défense de la grande famille où l’on a ses amis, ses parents, où l’on parle la même langue, où tous les intérêts sont communs, qui a nom la Patrie !

Et à dater de ce jour où il avait eu la conception du soldat, Pépé devint un dragon modèle. Son ami Édouard et lui, sans se quitter, ils prirent tout gaiement la gamelle et la corvée,