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EN VOYAGE

l’effet d’un cimetière. Les maisons en bois étaient peintes en bleu ou en jaune, en blanc ou en vert ; elles étaient lavées et brossées, les rues pavées de briques sur champ étaient nettoyées comme un parquet et les habitants répandaient du sable dans lequel ils traçaient des dessins que les rares passants effaçaient le moins possible.

Quelqu’un qui aurait craché dans ces rues eût passé pour un individu fort malpropre. Aucune voiture et aucun cheval ne devait traverser le village, et quand, par hasard, une vache s’y aventurait, on lui attachait une sorte de sac sous la queue. Dans l’étable même, les vaches avaient la queue retenue en l’air pour qu’elles ne se salissent pas. À l’intérieur des maisons la propreté se voyait aussi grande, les jardins étaient peignés et si on y lâchait un animal, de peur que cet animal, chien, chat ou canard ne commît quelque malpropreté, on le faisait en zinc. Le soin de la propreté à Broek avait été poussé si loin que, dans une maison, on avait remplacé les échantillons de la race humaine par des automates manœuvrant au moyen d’une mécanique grinchante.

L’industrie des habitants de Broek consiste dans la fabrication du fromage d’Edam, nom d’un autre village peu éloigné ; ce sont ces fromages d’un beau rouge luisant, de forme sphérique, qu’on nomme vulgairement « tête de mort ». Il n’y a pas au monde de lait plus proprement recueilli qu’à Broek, de fromage plus proprement fait que le fromage d’Edam. Pour entrer dans une étable de Broek, c’est comme pour entrer à la mosquée, il faut quitter ses chaussures et enfiler des sabots ou des babouches d’une propreté assez scrupuleuse pour