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HISTOIRE DU CÉLÈBRE PÉPÉ

— Il faut tout de même qu’il ait du souffle pour remplir son tuyau de cuivre.

— Quand on en a l’habitude, dit un ancien soldat, ce n’est rien, et dans la musique de mon régiment il y avait des chaudrons dix fois gros comme cet instrument-là.

Pépé fit une assez bonne collecte dans ce village.

— J’avais raison, pensa le Prussien, de croire que cet enfant me servirait. On n’est jamais sans prendre les aveugles en pitié, et puis… j’ai l’accent allemand et ça éloignait les Français de me donner leur argent ; j’en ai même entendu qui se disaient que j’étais un mouchard. Le petit Pépé me permet de ne pas prononcer un mot moi-même. J’ai très bien fait de l’enlever. Un enfant perdu, c’est à tout le monde. Ces fermiers me savent peut-être gré de les en avoir débarrassés.

Il se dirigea vers Paris où il voulait jouer dans les cours.

— C’est à Paris qu’on gagne le plus d’argent, dit-il tout haut.

— À Paris, je retrouverai peut-être Mme Giraud, se dit Pépé. M. Giraud est banquier et il habite avenue Marceau. Je sais l’adresse.

Le soir, ils s’arrêtèrent dans une ferme et se couchèrent dans la paille. Le pauvre petit Pépé, qui n’en pouvait plus, dormit comme s’il eût été dans le bon lit fait par Adèle, entre les gros draps de toile blanche sentant la lessive et la lavande. Il aurait dormi encore longtemps si, au point du jour, le méchant Prussien ne lui eût crié :

— Allons, debout ! et en route !

Et il lui envoya un coup de sa grosse botte ferrée.

Le pauvre Pépé repleura tout le long, le long du chemin.