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LXVII
A L’ESPRIT DES LOIS.


souvent ces questions sur les règles d’une prudence qui ne connaîtrait ni bien, ni mal moral. En un mot, on trouve dans l’auteur de l'Esprit des lois, l'homme de génie, le philosophe, l’historien ; on n’y trouve point assez le jurisconsulte nourri des principes du droit public. »

C’est toujours le même critique. Montesquieu fait une histoire du droit, et juge les lois par leurs conséquences ; on lui reproche de ne point juger le législateur, en vertu des principes supérieurs du droit public et de la morale. C’est lui reprocher de n’avoir pas fait un traité de droit naturel ; mais s’il avait fait cela il n’aurait pas renouvelé la science par un changement de méthode ; il aurait été Wolf, Huber, ou Bynkershoeck, et non point Montesquieu [1].


§ VI. DE NOTRE COMMENTAIRE, ET DANS QUEL ESPRIT
IL EST CONÇU.


En donnant une nouvelle édition de l’Esprit des lois, je n’ai nullement songé à l’encombrer de toutes les notes et de tous les commentaires qu’on a publiés depuis plus d’un siècle. La plupart de ces notes, je l’ai déjà dit, n*ont d’autre objet que de refaire l’œuvre du maître, à un point de vue qui n’est pas le sien. Que prouvent, par exemple, les réflexions d’Helvétius ? Ce sont des leçons adressées à Montesquieu pour lui démontrer qu’il n’a rien entendu au sujet qu’il a traité. C’est pousser trop loin la morgue philosophique ; il n’y a là rien qui soit de nature à instruire ou à intéresser la lecteur.

J’ai compris tout autrement l’utilité d’un commentaire ; j’ai voulu qu’il ne servît qu’à éclaircir la pensée de l'au-

  1. « Le grand ouvrage de Montesquieu devrait être classé, rigoureusement parlant, plutôt parmi les livres d’histoire et de politique que parmi ceux de législation et de jurisprudence, si l'on s’en tient aux définitions ordinaires de ces deux sciences. » Rien de plus juste que cette réflexion d’un homme qui a publié un des meilleurs livres qu’on ait faits sur l'Esprit des lois. Je veux parler de M. le comte Sclopis.