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LETTRES PERSANES.


serez libres, vous êtes aussi heureux que vous le méritez ; si la fortune vous rit, je suis certain que vous me satisferez de la perte que je souffrirai. Nous embrassâmes tous deux ses genoux ; et le suivîmes dans son voyage. Nous nous soulagions l’un l’autre dans les travaux de la servitude ; et j’étais charmé lorsque j’avais pu faire l’ouvrage qui était tombé à ma sœur.

La fin de l’année arriva ; notre maître tint sa parole, et nous délivra. Nous retournâmes à Tefflis : là, je trouvai un ancien ami de mon père, qui exerçait avec succès la médecine dans cette ville : il me prêta quelque argent, avec lequel je fis quelque négoce. Quelques affaires m’appelèrent ensuite à Smyrne, où je m’établis. J’y vis depuis six ans, et j’y jouis de la plus aimable et de la plus douce société du monde : l’union règne dans ma famille, et je ne changerais pas ma condition pour celle de tous les rois du monde. J’ai été assez heureux pour retrouver le marchand arménien, à qui je dois tout ; et je lui ai rendu des services signalés.

De Smyrne, le 27 de la une de gemmadi 2, 1714.