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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t1.djvu/381

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LETTRE CXIV.


comme vos vêtements. Voilà un précepte qui rend la vie d’un véritable musulman bien laborieuse. Celui qui a les quatre femmes établies par la loi, et seulement autant de concubines ou d’esclaves, ne doit-il pas être accablé de tant de vêtements ?

Vos femmes sont vos labourages, dit encore le prophète ; approchez-vous donc de vos labourages, faites du bien pour vos âmes ; et vous le trouverez un jour.

Je regarde un bon musulman comme un athlète, destiné à combattre sans relâche, mais qui, bientôt faible et accablé de ses premières fatigues, languit dans le champ même de la victoire, et se trouve, pour ainsi dire, enseveli sous ses propres triomphes.

La nature agit toujours avec lenteur et, pour ainsi dire, avec épargne ; ses opérations ne sont jamais violentes ; jusque dans ses productions elle veut de la tempérance ; elle ne va jamais qu’avec règle et mesure ; si on la précipite, elle tombe bientôt dans la langueur ; elle emploie toute la force qui lui reste à se conserver, perdant absolument sa vertu productrice et sa puissance générative.

C’est dans cet état de défaillance que nous met toujours ce grand nombre de femmes, plus propre [1] nous épuiser qu’à nous satisfaire. Il est très-ordinaire parmi nous de voir un homme dans un sérail prodigieux avec un très-petit nombre d’enfants ; ces enfants même sont, la plupart du temps, faibles et malsains, et se sentent de la langueur de leur père.

Ce n’est pas tout : ces femmes, obligées à une continence forcée, ont besoin d’avoir des gens pour les garder, qui ne peuvent être que des eunuques ; la religion, la

  1. A. C. Plus propres