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LETTRES PERSANES.




* LETTRE CXXIV. [1]


USBEK A RHÉDI


A VENISE.



Quel peut être le motif de ces libéralités immenses que les princes versent sur leurs courtisans ? [2] Veulent-ils se les attacher ? ils leur sont déjà acquis autant qu’ils peuvent l’être. Et, d’ailleurs, s’ils acquièrent quelques-uns de leurs sujets en les achetant, il faut bien, par la même raison, qu’ils en perdent une infinité d’autres en les appauvrissant.

Quand je pense à la situation des princes, toujours entourés d’hommes avides et insatiables, je ne puis que les plaindre ; et je les plains encore davantage, lorsqu’ils n’ont pas la force de résister à des demandes toujours onéreuses à ceux qui ne demandent rien.

Je n’entends jamais parler de leurs libéralités, des grâces et des pensions qu’ils accordent, que je ne me livre à mille réflexions : une foule d’idées se présente à mon

  1. Cette lettre a été publiée pour la première fois dans la 2e édition, Cologne, 1721, avec les variantes suivantes, que j’emprunte à M. André Lefèvre.
  2. Sur cet abus des pensions, V. les Mémoires de Mathieu Marais, t. I, p. 233. Esprit des lois, V, 10.