cet égard, dans une insensibilité qui ne me laisse point de désirs. Dans le nombreux sérail où j’ai vécu, j’ai prévenu l’amour, et l’ai détruit par lui-même ; mais, de ma froideur même, il sort une jalousie secrète qui me dévore.
[1] Je vois une troupe de femmes laissées presque à elles-mêmes, je n’ai que des âmes lâches
[2] qui m’en répondent. J’aurais peine à être en sûreté, si mes esclaves étaient fidèles : que sera-ce s’ils ne le sont pas ? Quelles tristes nouvelles peuvent m’en venir dans les pays éloignés que je vais parcourir ! C’est un mal où mes amis ne peuvent porter de remède ; c’est un lieu dont ils doivent ignorer les tristes secrets : et qu’y pourraient-ils faire ? N’aimerais-je pas mille fois mieux une obscure impunité qu’une correction éclatante ? Je dépose en ton cœur tous mes chagrins, mon cher Nessir : c’est la seule consolation qui me reste, dans l’état où je suis.
D’Erzeron, le 10 de la lune de rebiab 2, 1711.