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LE TEMPLE DE GNIDE.


Elle approche, et mon cœur s’enflamme :
Quand j’arrive auprès d’elle, il semble que mon âme
Est à Camille, et va fuir dans son sein.

Souvent Camille, à ma prière,
Refuse la moindre faveur,
Et sur-le-champ m’accorde une faveur plus chère.
Ce caprice est involontaire :
Ce n’est point de sa part un manége trompeur ;
Non : l’art ne peut entrer dans cette âme sincère :
Mais Camille, écoutant l’amour et la pudeur,
Voudrait m’être à la fois indulgente et sévère.

Qu’espérez-vous, dit-elle, au-dessus de mon cœur ?
Ne vous suffit-il pas, ingrat, que je vous aime ?
Tu devrais, dis-je, encor te permettre une erreur,
Une erreur de l’amour, qu’excuse l’amour même.

Camille ! si jamais je cessais de t’aimer,
Si pour d’autres attraits je pouvais m’enflammer,
Que ce jour soit pour moi le dernier de ma vie !
Que la Parque trompée en termine le cours !
Puisse-t-elle effacer de misérables jours
Dont je détesterais la lumière ennemie,
En songeant au bonheur de nos tendres amours !

ll se tut ; et je vis que cet amant fidèle
Ne cessait de parler que pour s’occuper d’elle.


FIN DU TROISIÈME CHANT.