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GRANDEUR ET DÉCADENCE


rendit absolu. Ces deux révolutions furent bientôt suivies d’une troisième.

Son fils Sextus, en violant Lucrèce, fit une chose qui a presque toujours fait chasser les tyrans des villes[1] où ils ont commandé : car le peuple, à qui une action pareille fait si bien sentir sa servitude, prend d’abord une résolution extrême[2].

Un peuple peut aisément souffrir qu’on exige de lui de nouveaux tributs : il ne sait pas s’il ne retirera point quelque utilité de l’emploi qu’on fera de l’argent qu’on lui demande ; mais, quand on lui fait un affront, il ne sent que son malheur, et il y ajoute l’idée de tous les maux qui sont possibles.

Il est pourtant vrai que la mort de Lucrèce ne fut que l’occasion de la révolution qui arriva ; car un peuple fier, entreprenant, hardi et renfermé dans des murailles, doit nécessairement secouer le joug ou adoucir ses mœurs.

Il devait arriver de deux choses l’une : ou que Rome changerait son gouvernement ; ou qu’elle resteroit[3] une petite et pauvre monarchie.

L’histoire moderne nous fournit un exemple de ce qui arriva pour lors à Rome, et ceci est bien remarquable : car, comme les hommes ont eu dans tous les temps les mêmes passions, les occasions qui produisent les grands changements sont différentes, mais les causes sont toujours les mêmes.

Comme Henri VII, roi d’Angleterre, augmenta le pouvoir des Communes pour avilir les Grands, Servius Tui-

  1. A. Des villes où ils sont commandé.
  2. Florus I, 8. Sic enim effectum est ut agitatus injuriis populus, cupiditate libertatis incenderetur.
  3. A. Ou resteroit.