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DES ROMAINS, CHAP. IV.

Ce furent les conquêtes mêmes d’Annibal qui commencèrent à changer la fortune de cette guerre. Il n’avait pas été envoyé en Italie par les magistrats de Carthage[1] ; il recevait très peu de secours, soit par la jalousie d’un parti, soit par la trop grande confiance de l’autre[2]. Pendant qu’il resta avec son armée ensemble, il battit les Romains ; mais, lorsqu’il fallut qu’il mît des garnisons dans les villes, qu’il défendît ses alliés, qu’il assiégeât les places, ou qu’il les empêchât d’être assiégées, ses forces se trouvèrent trop petites, et il perdit en détail une grande partie de son armée. Les conquêtes sont aisées à faire, parce qu’on les fait avec toutes ses forces ; elles sont difficiles à conserver, parce qu’on ne les défend qu’avec une partie de ses forces[3].

  1. Cette phrase n'est pas dans A.
  2. Esprit des lois, X, VI.
  3. Témoin Louis XIV, qui fit rapidement la conquête de la Hollande, et qui fur obligé d'abandonner les villes avec autant de précipitation qu'il les avoit prises avec promptitude. (Frédéric II.)