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GRANDEUR ET DÉCADENCE


thaginois que de très faibles secours, ne fit que témoigner aux Romains une mauvaise volonté inutile.

Lorsqu’on voit deux grands peuples se faire une guerre longue et opiniâtre, c’est souvent une mauvaise politique de penser qu’on peut demeurer spectateur tranquille : car celui des deux peuples qui est le vainqueur entreprend d’abord de nouvelles guerres, et une nation de soldats va combattre contre des peuples qui ne sont que citoyens.

Ceci parut bien clairement dans ces temps-là : car les Romains eurent à peine dompté les Carthaginois qu’ils attaquèrent de nouveaux peuples et parurent dans toute la terre pour tout envahir.

Il n’y avait pour lors dans l’Orient que quatre puissances capables de résister aux Romains : la Grèce, et les royaumes de Macédoine, de Syrie et d’Égypte. Il faut voir quelle était la situation de ces deux premières puissances, parce que les Romains commencèrent par les soumettre.

Il y avait dans la Grèce trois peuples considérables ; les Étoliens, les Achaïens[1] et les Béotiens ; c’étaient des associations de villes libres, qui avaient des assemblées générales et des magistrats communs. Les Étoliens étaient belliqueux, hardis, téméraires, avides du gain, toujours libres de leur parole et de leurs serments, enfin, faisant la guerre sur la terre comme les pirates la font sur la mer. Les Achaïens étaient sans cesse fatigués par des voisins ou des défenseurs incommodes. Les Béotiens, les plus épais de tous les Grecs, prenaient le moins de part qu’ils pouvaient aux affaires générales : uniquement conduits par le sentiment présent du bien et du mal, ils n’avaient pas assez d’esprit pour qu’il fût facile aux orateurs

  1. Les Achéens.