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GRANDEUR ET DÉCADENCE


discipline, ses troupes barbares l’abandonnaient ; s’il avait l’art de solliciter les peuples et de faire révolter les villes, il éprouvait, à son tour, des perfidies de la part de ses capitaines, de ses enfants et de ses femmes ; enfin, s’il eut affaire à des généraux romains malhabiles, on envoya contre lui, en divers temps, Sylla, Lucullus et Pompée.

Ce prince, après avoir battu les généraux romains et fait la conquête de l’Asie, de la Macédoine et de la Grèce, ayant été vaincu à son tour par Sylla, réduit par un traité à ses anciennes limites, fatigué par les généraux romains, devenu encore une fois leur vainqueur et le conquérant de l’Asie, chassé par Lucullus, suivi dans son propre pays, fut obligé de se retirer chez Tigrane, et, le voyant perdu sans ressource, après sa défaite[1], ne comptant plus que sur lui-même, il se réfugia dans ses propres États et s’y rétablit.

Pompée succéda à Lucullus, et Mithridate en fut accablé : il fuit de ses États, et, passant l’Araxe, il marcha de péril en péril par le pays des Laziens, et, ramassant dans son chemin ce qu’il trouva de Barbares, il parut dans le Bosphore, devant son fils Maccharès, qui avait fait sa paix avec les Romains[2].

Dans l’abîme où il était, il forma le dessein de porter la guerre en Italie et d’aller à Rome avec les mêmes nations qui l’asservirent quelques siècles après, et par le même chemin qu’elles tinrent[3].

  1. A. Chassé par Lucullus, suivi dans son propre pays, obligé de se retirer chez Tigrane, vaincu avec lui ; voyant ce roi perdu sans ressource, ne comptant plus que sur lui-même, etc.
  2. Mithridate l’avait fait roi du Bosphore. Sur la nouvelle de l’arrivée de son père, il se donna la mort. (M.)
  3. Voyez Appien, De bello mithridatico, chap. CIX. (M.)