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CHAPITRE VIII.


DES DIVISIONS
QUI FURENT TOUJOURS DANS LA VILLE[1].


Pendant que Rome conquérait l’univers, il y avait dans ses murailles une guerre cachée : c’étaient des feux comme ceux de ces volcans qui sortent sitôt que quelque matière vient en augmenter la fermentation.

Après l’expulsion des Rois, le gouvernement était devenu aristocratique : les familles patriciennes obtenaient seules[2] toutes les magistratures, toutes les dignités et, par conséquent, tous les honneurs militaires et civils[3].

Les patriciens, voulant empêcher le retour des Rois, cherchèrent à augmenter le mouvement qui était dans l’esprit du peuple. Mais ils firent plus qu’ils ne voulurent : à force de lui donner de la haine pour les Rois, ils lui donnèrent un désir immodéré de la liberté. Comme l’autorité royale avait passé tout entière entre les mains des consuls, le peuple sentit que cette liberté dont on voulait

  1. Machiavel, Discours sur Tite-Live, liv. I, chap. IV. - Cicéron, de Orat., II, 48 ; Tite-Live, VII, 40.
  2. Les patriciens avaient même en quelque façon un caractère sacré : il n’y avait qu’eux qui pussent prendre les auspices. Voyez dans Tite-Live, liv. VI, chap. XL et XLI, la harangue d’Appius Claudius. (M.)
  3. Par exemple, il n’y avait qu’eux qui pussent triompher, puisqu’il n’y avait qu’eux qui pussent être consuls et commander les armées. (M.)