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CHAPITRE XI.


1. DE SYLLA. — 2. DE POMPÉE ET CÉSAR.


Je supplie qu’on me permette de détourner les yeux des horreurs des guerres de Marius et de Sylla ; on en trouvera dans Appien l’épouvantable histoire. Outre la jalousie, l’ambition et la cruauté des deux chefs, chaque Romain était furieux ; les nouveaux citoyens et les anciens ne se regardaient plus comme les membres d’une même république[1], et l’on se faisait une guerre qui, par un caractère particulier, était en même temps civile et étrangère.

Sylla[2] fit des lois très propres à ôter la cause des désordres que l’on avait vus : elles augmentaient l’autorité du sénat, tempéraient le pouvoir du peuple, réglaient celui des tribuns. La fantaisie qui lui fit quitter la dictature sembla rendre la vie à la République ; mais, dans la

  1. Comme Marius, pour se faire donner la commission de la guerre contre Mithridate au préjudice de Sylla, avait, par le secours du tribun Sulpicius, répandu les huit nouvelles tribus des peuples d’Italie dans les anciennes, ce qui rendait les Italiens maîtres des suffrages, ils étaient la plupart du parti de Marius, pendant que le sénat et les anciens citoyens étaient du parti de Sylla. (M.)
  2. A. Sylla fit d'assez bonnes lois ; il diminua la puissance des tribuns ; et la modération ou la fantaisie qui lui fit quitter la dictature rétablit pour un temps le sénat ; mais, dans la fureur de ses succès, il avoit fait deux choses qui, dans la suite, mirent Rome dans l'impossibilité de conserver sa liberté.