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DES ROMAINS, CHAP. XIII.


la servitude. Pendant que, sous Sylla, la République reprenait des forces, tout le monde criait à la tyrannie, et, pendant que, sous Auguste, la tyrannie se fortifiait, on ne parlait que de liberté.

La coutume des triomphes, qui avaient tant contribué à la grandeur de Rome, se perdit sous Auguste, ou plutôt cet honneur devint un privilège de la souveraineté[1]. La plupart des choses qui arrivèrent sous les Empereurs avaient leur origine dans la République[2], et il faut les rapprocher ; celui-là seul avait droit de demander le triomphe sous les auspices duquel la guerre s’était faite[3] : or elle se faisait toujours sous les auspices du chef et, par conséquent, de l’Empereur, qui était le chef de toutes les armées.

Comme, du temps de la République, on eut pour principe de faire continuellement la guerre, sous les Empereurs, la maxime fut d’entretenir la paix : les victoires ne furent regardées que comme des sujets d’inquiétude, avec des armées qui pouvaient mettre leurs services à trop haut prix.

Ceux qui eurent quelque commandement craignirent d’entreprendre de trop grandes choses ; il fallut modérer

    prince légitime : lege regia quæ de ejus imperio lata est, populus ei et in eum omne imperium transtulit. Institutes, livre I, Édition de 1734. (M.)

  1. On ne donna plus aux particuliers que les ornements triomphaux. Dion, in Aug. (M.)
  2. Les Romains ayant changé de gouvernement, sans avoir été envahis, les mêmes coutumes restèrent après le changement du gouvernement, dont la forme même resta à peu près. (M.)
  3. Dion, in Aug., liv. LIV, dit qu’Agrippa négligea par modestie de rendre compte au sénat de son expédition contre les peuples du Bosphore, et refusa même le triomphe ; et que depuis lui personne de ses pareils ne triompha ; mais c’était une grâce qu’Auguste voulait faire à Agrippa, et qu’Antoine ne fit point à Ventidius la première fois qu’il vainquit les Parthes. (M.)