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DES ROMAINS, CHAP. XIII.


nom, le blé que la République distribuait aux pauvres citoyens ; d’autres, enfin, désiraient d’avoir à leur pompe funèbre beaucoup de gens qui la suivissent avec un chapeau de fleurs[1]. Le peuple fut presque composé d’affranchis[2] : de façon que ces maîtres du monde, non seulement dans les commencements, mais dans tous les temps, furent, pour la plupart, d’origine servile.

Le nombre du petit peuple, presque tout composé d’affranchis ou de fils d’affranchis, devenant incommode, on en fit des colonies, par le moyen desquelles on s’assura de la fidélité des provinces. C’était une circulation des hommes de tout l’univers : Rome les recevait esclaves et les renvoyait Romains.

Sous prétexte de quelques tumultes arrivés dans les élections, Auguste mit dans la ville un gouverneur et une garnison[3] ; il rendit les corps des légions éternels, les plaça sur les frontières, et établit des fonds particuliers pour les payer ; enfin, il ordonna que les vétérans recevraient leur récompense en argent, et non pas en terres[4].

Il résultait plusieurs mauvais effets de cette distribution des terres que l’on faisait depuis Sylla : la propriété des biens des citoyens était rendue incertaine. Si on ne menait pas dans un même lieu les soldats d’une cohorte, ils se dégoûtaient de leur établissement, laissaient les

  1. Un chapeau de fleurs est une couronne. Dans quelques unes de nos vieilles coutumes, il est dit qu’une fille n’héritera pas de son père, s’il l’a doté à son mariage, ne fût-ce que d’un chapel de roses.
  2. Voyez Tacite. Annal., liv. XIII, ch. XXVII. Late fusum id corpus, etc. (M.)
  3. Le préfet de la ville et les prétoriens.
  4. Il régla que les soldats prétoriens auraient cinq mille drachmes [4,347 francs] ; deux mille après seize ans de service, et les autres trois mille drachmes après vingt ans. Dion, in August. (M.)