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PRÉFACE DU TRADUCTEUR


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Un ambassadeur de France à la Porte Ottomane, connu par son goût pour les lettres, ayant acheté plusieurs manuscrits grecs, il les porta en France. Quelques-uns de ces manuscrits m’étant tombés entre les mains, j’y ai trouvé l'ouvrage dont je donne ici la traduction.

Peu d’auteurs grecs[1] sont venus jusqu'à nous, soit qu'ils aient péri dans la ruine des bibliothèques, ou, par la négligence des familles qui les possédoient.

Nous recouvrons de temps en temps quelques pièces de ces trésors. On a trouvé des ouvrages jusque dans les tombeaux de leurs auteurs ; et, ce qui est à peu près la même chose, on a trouvé celui-ci parmi les livres d’un évêque grec[2].

  1. A. Peu de poètes grecs (Je désigne par A la première édition.)
  2. A ajoute ce qui suit :
    Ce poème ne ressemble à aucun ouvrage de ce genre que nous ayons.
    Cependant les règles, que les auteurs des poétiques ont prises dans la nature, s’y trouvent observées.
    La description de Gnide qui est dans le premier chant, est d’autant plus heureuse, qu’elle fait, pour ainsi dire, naître le poème ; qu’elle est, non pas un ornement du sujet, mais une partie du sujet même : bien différente de ces descriptions que les axiciens ont tant blamées, qui sont étrangères et recherchées :


    Purpureus lato qui splendeat, unus et alter
    Assuitur pannus.


    Les épisodes du second et du troisième chant naissent aussi du sujet ; et le poète s'est conduit avec tant d’art que les ornements de son poème en sont aussi des parties nécessaires.
    Il n’y a pas moins d’art dans le quatrième et le cinquième chant. Le poète, qui devoit faire réciter à Aristée l'histoire de ses amours avec Camille, ne fait raconter au fils d’Antiloque ses aventures que jusqu’au moment qu’il a vu Thémire, afin de mettre de la variété dans les récits.
    L’histoire d’Aristée et de Camille est singulière en ce qu’elle est uniquement une histoire de sentiments.
    Le nœud se forme dans le sixième chant, et le dénoûment se fait très-heureusement dans le septième» par un seul regard de Thémire.
    Le poète n’entre pas dans le détail du raccommodement d'Aristée et de Camille :