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DES ROMAINS, CHAP. XVI.


après. Les conquêtes de Charlemagne et ses tyrannies[1]. avaient, une seconde fois, fait reculer les peuples du Midi au Nord ; sitôt que cet empire fut affaibli, ils se portèrent une seconde fois du Nord au Midi. Et, si aujourd’hui un prince faisait en Europe les mêmes ravages, les nations repoussées dans le Nord, adossées aux limites de l’univers, y tiendraient ferme jusqu’au moment qu’elles inonderaient et conquerraient l’Europe une troisième fois[2].

L’affreux désordre qui était dans la succession à l’empire étant venu à son comble, on vit paraître, sur la fin du règne de Valérien et pendant celui de Gallien, son fils, trente prétendants divers, qui, s’étant la plupart entre-détruits, ayant eu un règne très court, furent nommés Tyrans.

Valérien ayant été pris par les Perses, et Gallien, son fils, négligeant les affaires, les Barbares pénétrèrent partout. L’Empire se trouva dans cet état où il fut, environ un siècle après, en Occident[3] ; et il aurait, dès lors, été détruit sans un concours heureux de circonstances qui le relevèrent.

Odénat, prince de Palmyre, allié des Romains, chassa les Perses, qui avaient envahi presque toute l’Asie ; la ville de Rome fit une armée de ses citoyens, qui écarta les Barbares qui venaient la piller ; une armée innombrable de Scythes, qui passait la mer avec six mille vaisseaux, périt par les naufrages, la misère, la faim et sa grandeur même ; et, Gallien ayant été tué, Claude, Auré-

  1. Ses violences.
  2. Ce paragraphe n'est point dans A.
  3. Cent cinquante ans après, sous Honorius, les barbares l’envahirent. (M.)