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GRANDEUR ET DÉCADENCE


Huns ou de celle des Alains. Leurs terres étaient extrêmement fertiles ; ils aimaient la guerre et le brigandage ; ils étaient presque toujours à cheval ou sur leurs chariots et erraient dans le pays où ils étaient enfermés ; ils faisaient bien quelques ravages sur les frontières de Perse et d’Arménie, mais on gardait aisément les Portes Caspiennes, et ils pouvaient difficilement pénétrer dans la Perse par ailleurs. Comme ils n’imaginaient point qu’il fût possible de traverser les Palus-Méotides[1], ils ne connaissaient pas les Romains, et, pendant que[2] d’autres Barbares ravageaient l’Empire, ils restaient dans les limites que leur ignorance leur avait données.

Quelques-uns[3] ont dit que le limon que le Tanaïs avait apporté avait formé une espèce de croûte sur le Bosphore Cimmérien, sur laquelle ils avaient passé ; d’autres[4], que deux jeunes Scythes, poursuivant une biche qui traversa ce bras de mer, le traversèrent aussi ; ils furent étonnés de voir un nouveau monde, et, retournant dans l’ancien, ils apprirent à leurs compatriotes les nouvelles terres et, si j’ose me servir de ce terme, les Indes qu’ils avaient découvertes[5].

D’abord, des corps innombrables[6] de Huns passèrent, et, rencontrant les Goths les premiers, ils les chassèrent devant eux. Il semblait que ces nations se précipitassent les unes sur les autres, et que l’Asie, pour peser sur l’Europe, eût acquis un nouveau poids.

  1. Procope, Histoire mêlée. (M.)
  2. A. De façon que pendant que, etc.
  3. Zosime, livre IV. (M.)
  4. Jornandès, De rebus geticis ; Histoire mêlée de Procope. (M.)
  5. Voyez Sozomène, livre VI. (M.)
  6. A. Des armées innombrables de Huns, etc.