Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XVIII.


NOUVELLES MAXIMES PRISES PAR LES ROMAINS.


Quelquefois la lâcheté des Empereurs, souvent la faiblesse de l’Empire, firent que l’on chercha à apaiser par de l’argent les peuples qui menaçaient d’envahir[1]. Mais la paix ne peut point s’acheter, parce que celui qui l’a vendue n’en est que plus en état de la faire, acheter encore.

Il vaut mieux courir le risque de faire une guerre malheureuse que de donner de l’argent pour avoir la paix : car on respecte toujours un prince lorsqu’on sait qu’on ne le vaincra qu’après une longue résistance.

D’ailleurs, ces sortes de gratifications se changeaient en tributs et, libres au commencement, devenaient nécessaires ; elles furent regardées comme des droits acquis, et, lorsqu’un empereur les refusa à quelques peuples ou voulut donner moins, ils devinrent de mortels ennemis. Entre mille exemples, l’armée que Julien mena contre les Perses fut poursuivie dans sa retraite par des Arabes à qui il avait refusé le tribut accoutumé[2] ; et, d’abord après, sous l’empire de Valentinien, les Allemands, à qui on

  1. On donna d’abord tout aux soldats ; ensuite on donna tout aux ennemis. (M.)
  2. Ammien Marcellin, liv. XXV. (M.)