Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
GRANDEUR ET DÉCADENCE


point perdu de terrain. Mais il alla, de degrés en degrés, de la décadence à sa chute, jusqu’à ce qu’il s’affaissât tout à coup sous Arcadius et Honorius.

En vain, on avait rechassé les Barbares dans leur pays : ils y seraient tout de même rentrés pour mettre en sûreté leur butin[1]. En vain, on les extermina : les villes n’étaient pas moins saccagées ; les villages, brûlés ; les familles, tuées ou dispersées[2].

Lorsqu’une province avait été ravagée, les Barbares qui succédaient, n’y trouvant plus rien, devaient passer à une autre. On ne ravagea au commencement que la Thrace, la Mysie, la Pannonie ; quand ces pays furent dévastés, on ruina la Macédoine, la Thessalie, la Grèce ; de là, il fallut aller aux Noriques. L’Empire, c’est-à-dire le pays habité, se rétrécissait toujours, et l’Italie devenait frontière.

La raison pourquoi il ne se fit point sous Gallus et Gallien d’établissement de Barbares, c’est qu’ils trouvaient encore de quoi piller.

Ainsi, lorsque les Normands, images des conquérants de l’Empire, eurent, pendant plusieurs siècles, ravagé la France, ne trouvant plus rien à prendre, ils acceptèrent une province qui était entièrement déserte, et se la partagèrent[3].

  1. A. Pour y apporter leur dépouilles.
  2. C’était une nation bien destructive a que celle des Goths : ils avaient détruit tous les laboureurs dans la Thrace, et coupé les mains à tous ceux qui menaient les chariots. Histoire byzantine de Malchus, dans l’Extrait des ambassades. (M.)
  3. Voyez, dans les Chroniques recueillies par André du Chesne, l’état de cette province vers la fin du neuvième et le commencement du IXe siècle. Scrip. Norm. hist. veteres. (M.)

    A. Bien destructrice.