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DES ROMAINS, CHAP. XXII.


aux princes, les patriarches furent très souvent chassés de leur siège. Mais, chez une nation superstitieuse, où l’on croyait abominables toutes les fonctions ecclésiastiques qu’avait pu faire un patriarche qu’on croyait intrus, cela produisit des schismes continuels : chaque patriarche, l’ancien, le nouveau, le plus nouveau, ayant chacun leurs sectateurs.

Ces sortes de querelles étaient bien plus tristes que celles qu’on pouvait avoir sur le dogme, parce qu’elles étaient comme une hydre qu’une nouvelle disposition pouvait toujours reproduire.

La fureur des disputes devint un état si naturel aux Grecs que, lorsque Cantacuzène prit Constantinople, il trouva l’empereur Jean et l’impératrice Anne occupés à un concile contre quelques ennemis des moines[1] ; et, quand Mahomet II l’assiégea[2], il ne put suspendre les haines théologiques[3] ; et on y était plus occupé du concile de Florence que de l’armée des Turcs[4].

Dans les disputes ordinaires, comme chacun sent qu’il peut se tromper, l’opiniâtreté et l’obstination ne sont pas extrêmes. Mais, dans celles que nous avons sur la religion, comme, par la nature de la chose, chacun croit être sûr que son opinion est vraie, nous nous indignons contre ceux qui, au lieu de changer eux-mêmes, s’obstinent à nous faire changer.

Ceux qui liront l’histoire de Pachymère connaîtront

  1. Cantacuzène, liv. III, ch. XCIX. (M.)
  2. En 1458.
  3. Ducas, Histoire des derniers Paléologues. (M.)
  4. On se demandait si on avait entendu la messe d’un prêtre qui eût consenti à l’union : on l’aurait fui comme le feu. On regardait la grande église comme un temple profane. Le moine Gennadius mançait ses anathèmes sur tous ceux qui désiraient la paix. Ducas, ibid. (M.)