Ce feu fut mis au rang des secrets de l’État, et Constantin Porphyrogénète, dans son ouvrage dédié à Romain, son fils, sur l’administration de l’Empire, l’avertit que, lorsque les Barbares lui demanderont du feu grégeois[1], il doit leur répondre qu’il ne lui est pas permis de leur en donner, parce qu’un ange, qui l’apporta à l’empereur Constantin, défendit de le communiquer aux autres nations, et que ceux qui avaient osé le faire avaient été dévorés par le feu du ciel dès qu’ils étaient entrés dans l’Église.
Constantinople faisait le plus grand et presque le seul commerce du monde, dans un temps où les nations gothiques[2], d’un côté, et les Arabes, de l’autre, avaient ruiné le commerce et l’industrie partout ailleurs : les manufactures de soie y avaient passé de Perse, et, depuis l’invasion des Arabes, elles furent fort négligées dans la Perse même. D’ailleurs, les Grecs étaient maîtres de la mer. Cela mit dans l’État d’immenses richesses et, par conséquent, de grandes ressources ; et, sitôt qu’il eut quelque relâche, on vit d’abord reparaître la prospérité publique.
En voici un grand exemple. Le vieux Andronic Comnène était le Néron des Grecs ; mais, comme, parmi tous ses vices[3], il avait une fermeté admirable pour empêcher les injustices et les vexations des grands, on remarqua que[4], pendant trois ans qu’il régna, plusieurs provinces se rétablirent.