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LE TEMPLE DE GNIDE.


piquée d’un défi téméraire, elle les consulta[1]. Elle étoit en doute si elle s’exposeroit nue aux regards du berger troyen. Elle cacha sa ceinture sous ses cheveux ; ses nymphes la parfumèrent ; elle monta sur son char traîné par des cygnes, et arriva dans la Phrygie. Le berger balançoit entre Junon et Pallas ; il la vit, et ses regards errèrent et moururent : la pomme d’or tomba aux pieds de la déesse : il voulut parler, et son désordre décida.

Ce fut dans ce temple que la jeune Psyché vint avec sa mère, lorsque l’Amour, qui voloit autour des lambris dorés, fut surpris lui-même par un de ses regards. Il sentit tous les maux qu’il fait souffrir. C’est ainsi, dit-il, que je blesse ! Je ne puis soutenir mon arc ni mes flèches. Il tomba sur le sein de Psyché. Ah dit-il, je commence à sentir que je suis le dieu des plaisirs.

Lorsqu’on entre dans ce temple, on sent dans le cœur un charme secret qu’il est impossible d’exprimer : l’âme est saisie de ces ravissements que les dieux ne sentent eux-mêmes que lorsqu’ils sont dans la demeure céleste.

Tout ce que la nature a de riant est joint à tout ce que l’art a pu imaginer de plus noble, et de plus digne des dieux.

Une main, sans doute immortelle, l’a partout orné de peintures qui semblent respirer. On y voit la naissance de Vénus ; le ravissement des dieux qui la virent ; son embarras de se voir toute nue ; et cette pudeur qui est la première des grâces.

On y voit les amours de Mars et de la déesse. Le peintre a représenté le dieu sur son char, fier et même terrible : la Renommée vole autour de lui ; la Peur et la

  1. A. Elle les consulta avec les Grâces.