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DES ROMAINS, CHAP. XXIII.


pays pour faire leurs ravages. Comme ils étaient divisés sous plusieurs sultans, on ne pouvait pas, par des présents, faire la paix avec tous, et il était inutile de la faire avec quelques-uns[1]. Ils s’étaient faits mahométans, et le zèle pour leur religion les engageait merveilleusement à ravager les terres des chrétiens. D’ailleurs, comme c’étaient les peuples les plus laids de la terre, leurs femmes étaient affreuses comme eux[2] ; et, dès qu’ils eurent vu des Grecques, ils n’en purent plus souffrir d’autres[3]. Cela les porta à des enlèvements continuels. Enfin, ils avaient été de tout temps adonnés aux brigandages, et c’étaient ces mêmes Huns qui avaient autrefois causé tant de maux à l’empire romain[4].

Les Turcs inondant tout ce qui restait à l’Empire grec en Asie, les habitants qui purent leur échapper fuirent devant eux jusqu’au Bosphore, et ceux qui trouvèrent des vaisseaux se réfugièrent dans la partie de l’Empire qui était en Europe, ce qui augmenta considérablement le nombre de ses habitants. Mais il diminua bientôt. Il y eut des guerres civiles si furieuses que les deux factions

  1. Cantacuzène, liv. III, ch. XCVI ; et Pachymère, liv. XI, ch. IX. (M.)
  2. Cela donna lieu à cette tradition du nord, rapportée par le Goth Jornandès, que Philimer, roi des Goths, entrant dans les terres gétiques, y ayant trouvé des femmes sorcières, il les chassa loin de son armée ; qu’elles errèrent dans les déserts, où des démons incubes s’accouplèrent avec elles, d’où vint la nation des Huns. Genus ferocissimum, quod fuit primum inter paludes, minutum, tetrum, atque exile, nec alia voce notum, nisi quæ humani sermonis imaginent assignabat. ». (M.)
  3. Michel Ducas, Histoire de Jean Manuel, Jean et Constantin, ch. IX. Constantin Porphyrogénète, au commencement de son Extrait des ambassades, avertit que, quand les barbares viennent à Constantinople, les Romains doivent bien se garder de leur montrer la grandeur de leurs richesses ni la beauté de leurs femmes. (M.)
  4. Voyez ci-devant la note 2. (M.)