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TIBÈRE ET LOUIS XI.


finesse, Tibère de la profondeur ; on pouvoit, avec peu d’esprit, se défendre de Louis ; le Romain mettoit des ombres devant tous les esprits, et se déroboit à mesure que l’on commençoit à le voir.

Louis, qui n’avoit pour eux que des caresses fausses et de petites flatteries, gagnoit les hommes par leurs propres foiblesses ; le Romain, par la supériorité de son génie et une force invincible qui les entraînoit. Louis réparoit assez heureusement ses imprudences, et le Romain n’en faisoit point. Celui-ci laissoit toujours dans le même état les choses qui pouvoient y rester, l’autre changeoit tout avec une inquiétude et une légèreté qui tenoit de la folie.

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Quand on veut gouverner les hommes, il ne faut pas les chasser devant soi, il faut les suivre.

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Quand on voit un homme actif qui a fait sa fortune, cela vient de ce que des cent mille voies, la plupart fausses qu’il a employées, quelqu’une a réussi ; de là on argumente qu’il sera propre pour les affaires publiques.

Cela n’est pas vrai. Quand on se trompe dans quelque projet pour sa fortune, ce n’est qu’un coup d’épée dans l’eau ; mais dans les entreprises de l’État, il n’y a pas de coup d’épée dans l’eau[1].

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    posée par Montesquieu ont été publiés par M. Walckenaer dans la Biographie universelle, t. XXIX, p. 520.

  1. Ces deux pensées, prises dans les manuscrits de Montesquieu, ont été publiées par la Gironde, à la suite du fragment sur Tibère et Louis XI ; nous n’avons pas voulu les en détacher.