Je parlois encore au jeune Aristée de mes tendres amours[1] ; ils lui firent soupirer les siens ; je soulageai son cœur, en le priant de me les raconter. Voici ce qu’il me dit ; je n’oublierai rien ; car je suis inspiré par le même Dieu qui le faisoit parler.
Dans tout ce récit, vous ne trouverez rien que de très-simple : mes aventures ne sont que les sentiments d’un cœur tendre, que mes plaisirs, que mes peines ; et, comme mon amour pour Camille fait le bonheur, il fait aussi toute l’histoire de ma vie.
Camille est fille d’un des principaux habitans de Gnide ; elle est belle[2] ; elle a une physionomie qui va se peindre dans tous les cœurs : les femmes qui font des souhaits, demandent aux dieux les grâces de Camille ; les hommes qui la voient veulent la voir toujours, ou craignent de la voir encore[3].
Elle a une taille charmante, un air noble, mais modeste, des yeux vifs et tout prêts à être tendres, des traits faits exprès l’un pour l’autre, des charmes invisiblement assortis pour la tyrannie des cœurs.